ACRI-ST : « L’emprunt obligataire, un moyen puissant de mobiliser l’épargne des salariés »

« Outil de financement indépendant pour l’entreprise, l’emprunt obligataire est aussi une manière de saluer l’engagement d’un salarié tout en l’impliquant davantage. »

Comment inciter les Français à mobiliser leur épargne dans le développement des entreprises indépendantes ? ACRI-ST emprunte la voie obligataire depuis 2009. Avec un succès grandissant.

Alors que les trésoreries des sociétés se tendent, les Français ont épargné en masse ces derniers mois. Comment faire en sorte que cet argent vienne davantage nourrir un cercle vertueux de l’économie ?

Comment le rendre profitable au développement des PME et ETI, championnes de demain qui ont d’autant plus besoin que l’on soutienne leur effort de croissance que la période complexifie les bilans et atterrissages ?

Focus sur les emprunts obligataires, une solution vertueuse, éprouvée depuis plus de dix ans par l’entreprise ACRI-ST, spécialiste de l’observation de la terre par satellite et du traitement des données dédiée à l’environnement.

Avec un solde obligataire dépassant désormais le million d’euros, la PME a trouvé une manière d’augmenter sa capacité d’investissement en toute indépendance.

Pourquoi avoir recours à l’emprunt obligataire lorsque l’on est une PME de croissance ?

Odile Hembise Fanton d’Andon, présidente d’ACRI-ST : Pour financer son développement. L’emprunt obligataire permet d’accroitre sa capacité d’investissement de manière significative et indépendante. Mais en réalité, c’est plus puissant que cela.

Chez ACRI-ST, cette démarche s’inscrit dans notre logique d’intéressement des salariés et de notre plan d’épargne entreprise. L’intéressement a été mis en place dès la création de l’entreprise en 1999.

L’emprunt obligataire lui est arrivé en 2009. J’avais entendu parler de cette possibilité et nous avons demandé à nos conseillers de se pencher dessus car nous y voyions une bonne manière d’augmenter les liquidités de l’entreprise tout en fidélisant nos salariés grâce à une gratification de leur engagement et de leur confiance.

A l’usage, je confirme que c’est un bras armé très puissant, un levier financier pour notre développement doublé d’un indicateur très pertinent en matière de RH.

Chez ACRI-ST, nous sommes une PME indépendante, partenaire des agences spatiales, au service des utilisateurs de données satellitaires, alliant recherche scientifique et ingénierie de systèmes environnementaux complexes. Notre politique de recrutement est extrêmement pointue et pouvoir fidéliser nos salariés est un atout.

Comment l’emprunt obligataire fonctionne-t-il en entreprise ?

Chaque année, en tant que présidente et actionnaire unique de l’entreprise, je décide en assemblée générale du nombre et du montant des obligations que je souhaite émettre. Il n’y a pas d’automaticité. C’est également le salarié qui décide s’il veut souscrire et combien.
La souscription à l’emprunt obligataire est éligible au PEE de la société. L’emprunt est rachetable à la première demande du souscripteur.

Les cessions peuvent être envisagées dans un délai inférieur à 5 ans, sous réserve d’être motivées (i.e. par un mariage, la naissance du 3e enfant, l’invalidité, le décès, la création d’une entreprise, l’extension de la résidence principale, une situation de surendettement, etc.).

C’est assez large. Dans ces conditions ou au bout de 5 ans, le souscripteur bénéficie de tous les avantages fiscaux liés à l’intéressement.

Avez-vous obligation d’utiliser l’argent obtenu d’une manière précise ?

L’emprunt obligataire est relativement simple à mettre en œuvre. Vous n’avez aucune obligation d’en faire quelque chose de particulier. Ce n’est pas comme un prêt bancaire où il faut un objet précis.

Vous pouvez utiliser cet argent là où il vous paraît le plus utile. Il faut juste ne pas perdre de vue que l’entreprise contracte un emprunt auprès de son salarié et qu’il faudra lui rembourser.

Bien expliquer à ses équipes la destination des fonds envisagée et celle qui a été réalisée améliore leur adhésion.

Pour le dirigeant, l’emprunt obligataire est beaucoup plus simple que d’émettre des actions. Le taux et la valeur sont fixés dès le départ et pour toute la durée. Vous n’avez pas à vous poser la question de la valorisation de l’obligation en cas de sortie anticipée du souscripteur.

Avant de penser aux obligations, j’avais été tentée par la mise en place d’actions et lorsque j’ai étudié cette voie, j’ai eu le sentiment que c’était plus compliqué, plus lourd à gérer. Notamment quand le salarié détenteur d’actions veut s’en aller. Avec les actions, il faut établir une valeur chaque année. Figer la rémunération de l'obligation demande moins d’effort. C’est un coût que l’on maîtrise. Totalement anticipé. Pas lié au compte de résultat.

Comment vos salariés ont-ils adhéré à cette proposition ?

Les premières obligations sont arrivées en fin de cycle en 2017 et nombre de salariés les ont réinvesties au travers de nouvelles souscriptions. Cela montre combien ils y adhèrent. Les souscriptions sont allées croissantes année après année. Aujourd’hui, le solde obligataire représente plus de la moitié de l’intéressement versé.

L’emprunt obligataire au sein de l’entreprise plaît aux salariés parce que c’est de l’argent qui sert au collectif. C’est très concret. Chaque année, je leur explique en quoi cela nous a été utile. Et je les remercie de leur confiance.

Quels avantages en tire l’entreprise ?

Ces obligations nous permettent de bénéficier de liquidités et de pouvoir investir au meilleur moment, sans dépendre de la décision d’une banque.

J’ai par exemple pu avancer de l’argent à notre filiale au Luxembourg afin qu’elle puisse acquérir de l’équipement au top au moment où elle a décroché de gros marchés. Les banques étant frileuses pour prêter aux nouvelles sociétés, je ne suis pas certaine que cette jeune filiale ait obtenu un prêt pour ce matériel aussi sereinement en un temps aussi court.

Ça me permet aussi -et c’est tout aussi important à mes yeux- de récompenser la valeur que le salarié apporte à l’entreprise. Dans une entreprise comme la nôtre, les ressources humaines sont une vraie richesse.

L’abondement que je propose étant très gratifiant, ces obligations ont aussi la vertu de fidéliser les salariés. J’ai d’ailleurs fixé la durée de sortie en raison de cet argument. Les huit ans correspondent au cycle de vie de nos projets.

Les salariés en tirent-ils aussi avantages ?

Les salariés nous témoignent leur confiance en les souscrivant. Ils ne nous confieraient pas leur épargne si ce n’était pas le cas.
Pour eux, ce n’est pas un placement à risque : ils connaissent le montant et l’échéance de sortie.

Ils savent qu’à la première demande, ils peuvent récupérer la somme souscrite. C’est d’autant plus fort aujourd’hui que le cycle de vie des premières émissions est arrivé à son terme et que les fruits récoltés par les salariés souscripteurs ont bien été ceux annoncés. Le temps joue pour nous désormais.

Concrètement, comment l’emprunt obligataire s’applique-t-il chez ACRI-ST ?

La souscription est ouverte au moment où l’on verse l’intéressement, ce qui permet d’apporter une solution de placement intéressante aux salariés à une période où ils ont des liquidités.

Nous ouvrons de nouvelles émissions chaque année. A 2,5 % de taux annuel. Avec une bonification de 2 à 4,5 % si on est resté jusqu’à la fin.

Nous y ajoutons même une surprime de 50 % du placement initial, plafonné à 3.000 euros si les obligations sont conservées jusqu’à la fin en intégralité. Ce qui en fait un produit financier particulièrement attractif.

Personne n’est obligé de souscrire, chaque membre du personnel est totalement libre de prendre des obligations ou non.
Le taux et la durée des obligations sont à votre main. J’ai par exemple fixé la durée à huit ans parce que cela permet d’embrasser un cycle de vie de l’entreprise. C’est un facteur d’attraction qui joue un rôle pour garder les cadres dans l’entreprise.

De quels arguments usez-vous pour convaincre vos salariés à placer leur intéressement en emprunt obligataire ?

On porte à leur attention un produit intéressant. On attire leur attention, on leur donne les caractéristiques, sans en faire énormément sur le sujet. On ne fait pas de relance. Les aspects intéressants parlent d’eux-mêmes.

Pour nos salariés, il y a une fierté à ce que notre entreprise se développe et ils s’en sentent pleinement acteurs. C’est un élément non négligeable.

C’est une façon d’associer le personnel au projet de l‘entreprise ?

Cela associe tout le monde à la réussite de l’entreprise. Chacun est partie prenante.

L’emprunt obligataire fait partie d’un tout. Notre plan d’épargne entreprise et notre intéressement sont déjà gratifiants. Il permet une croissance sereine, sans à-coup. C’est un outil qui s’inscrit dans la durée. Ce n’est pas une solution d’urgence. Cela prend progressivement. Cela se construit avec le temps.

Mais une fois que ça tourne, c’est un puissant bras armé. Les retraits sont un indicateur RH très fort. Leur absence témoigne de la bonne santé de l’entreprise.


Continuer à se projeter avec le soutien des financiers

« C’est dans leur exécution au bon rythme et auprès des bonnes cibles que se prouvera l’efficacité des mesures. »

La capacité des entreprises à traverser la période est l'un des enjeux de cette rentrée au long cours. Le plan de relance européen d’une ampleur jamais vue et celui mis en place par le gouvernement français seront-ils de nature à la soutenir ?

Marie-Claire Capobianco, l'ex-directrice des Réseaux France de BNP Paribas et membre du comité exécutif du groupe, nous apporte sa vision macro sur l’économie française. Après une carrière exigeante dans la banque, à mener ses équipes avec un fort esprit d’entrepreneur, celle qui a pour habitude de regarder le verre à moitié plein et qui a toujours témoigné d’un engagement indéfectible en faveur de l’entrepreneuriat féminin est convaincue que les entreprises ont les moyens de sortir de cette crise transformées et accélérées au plan de l’organisation du travail et qu’elles sont capables de retrouver leur développement dans un monde où le virus continuera d’exister.

Les banques sont-elles en mesure d’accompagner suffisamment les PME & ETI pour qu’elles dépassent le mode survie et continue à se projeter vers l’avenir ? Quel volontarisme de la part des financeurs six mois après le début de la crise sanitaire en France ? Marie-Claire Capobianco partage son regard expert.

Avant d’évoquer la question du financement des entreprises, comment va la France en cette rentrée 2020 ? Pouvez-vous nous partager votre vision macro-économique ?

Marie-Claire Capobianco : La pandémie mondiale de la Covid-19 a provoqué une réaction quasi identique des gouvernements qui ont bloqué leurs économies pour tenter d'écraser la crise sanitaire. C'était en soi une grande première puisque la priorité absolue était ainsi donnée à la santé versus la dynamique économique. C’est ce qu’il s’est passé en France avec le confinement et la mise à l’arrêt brutal de pans entiers d’activités. Je pense qu’il n’y avait pas d’autre choix possible au moment précis où cela a eu lieu.

Le choc a donc été rude avec des secteurs très fortement touchés (aéronautique, tourisme...). Mais, dans le même temps, les entreprises se sont remarquablement adaptées en innovant tant dans les chaînes logistiques que dans les activités de production et de distribution.

Six mois après le début de la crise sanitaire, qu'est-ce qui tient et comment ?

Le point faible a, bien sûr, été la consommation et, plus particulièrement, les achats de biens d'équipement qui ont fortement baissé. Au global, l’économie française a plutôt bien résisté comme l’ont confirmé les études récentes de la Banque de France entraînant des prévisions de recul puis rebond du PIB meilleures que les précédentes.

Le retour de la croissance au niveau de 2019 est anticipé pour le début 2022.

Comment traverser la période ? Comment penser continuation de l’activité et développement avec une crise sanitaire persistante ?

Je suis convaincue que nous avons les moyens de sortir de cette crise avec des entreprises transformées et accélérées au plan de l’organisation du travail, capables de retrouver leur développement dans un monde où le virus continuera d’exister. Vous allez me dire que je suis une optimiste.

C’est exact, je préfère la version du verre à moitié plein, d’autant que je suis convaincue que cet état d’esprit permet d’aller de l’avant quand le scepticisme ou la critique permanente sont des entraves au progrès social et, finalement, au bien vivre collectif.

Le gouvernement est entré dans une nouvelle phase, ciblée, de son action pour soutenir l’économie, que penser de la logique de plan de relance qu’il met en place ?

Le programme France Relance, qui vient d'être présenté par le gouvernement français, doit être mis en perspective des nombreuses mesures déjà prises par l’Etat dès le début du confinement. Avec un accompagnement très volontariste (et certainement parmi les plus engagés d’Europe et au-delà) de l’emploi, au travers du chômage partiel, des reports de charge, des garanties de prêts bancaires...

Le gouvernement a massivement soutenu l’économie tout en préservant le pouvoir d’achat des salariés. L’augmentation de l'épargne des ménages en est l’illustration directe. Il y a donc eu tout un train de mesures dont les effets sont d’ores et déjà tangibles. France Relance vient s’ajouter en apportant, cette fois, la dimension d’une relance intégrant des objectifs environnementaux et sociétaux.

C’est donc, tant dans le montant des 100 Mds (intrinsèquement significatif) que dans la répartition en 3 grands thèmes (compétitivité, écologie, cohésion et accompagnement social) un plan ambitieux et adapté.

Quelle est votre analyse sur l’orientation de ce plan de relance, ses manques, ses forces ?

Là encore, des esprits plus chagrins peuvent affirmer que ce n’est pas suffisant ou qu’il y a telle ou telle niche qui n’est pas explicitement traitée... Mais, globalement, prenons acte d’un niveau quantitatif et qualitatif permettant véritablement d’agir efficacement.

Et il n’est pas nécessaire pour cela d’exiger des contreparties des entreprises. Les patrons et entrepreneurs de toutes catégories, femmes et hommes, font la preuve au quotidien de leur engagement dans la société sans qu’il faille en passer par des contraintes punitives !

Conjointement, le plan de relance européen d’une ampleur jamais vue et celui annoncé par le gouvernement français, seront-ils de nature à protéger la trésorerie des PME françaises ?

En chapeau ou en support du plan français, le plan de relance européen, inédit dans sa forme comme dans son fond, va permettre de financer la relance des secteurs directement impactés par la crise sanitaire tout en favorisant des investissements, de niveau européen, qui permettent de mieux armer la souveraineté de l’UE face aux continents américain et chinois.

Cet ensemble d’annonces, françaises et européennes, sont donc positives. Les chefs d’entreprise ont d’ailleurs très majoritairement exprimé leur confiance dans l’avenir de leur entreprise lors d’un très récent sondage d’opinion. Tout ceci étant posé, aussi pertinentes que soient les mesures, c’est dans leur exécution au bon rythme et auprès des bonnes cibles, que se prouvera leur efficacité. Le chemin est donc encore devant nous.

Un dernier point, très important, c’est que pour constater une réelle reprise, il faut que les consommateurs répondent présents. C’est là, le point d’achoppement le plus difficile à dénouer.

Comment y parvenir ?

Pour que les quasi 100 Mds (même montant que le plan de relance) d'épargne supplémentaire des Français depuis le début de la crise viennent nourrir l’économie, il faut le bien immatériel le plus difficile à créer : la confiance ! Confiance dans l’avenir, confiance dans le progrès... Aujourd’hui, nous n’y sommes pas et pour de multiples raisons.

Restera le sujet du remboursement de la dette et de la réduction concomitantes des dépenses publiques. Une chose est certaine, sans reprise, sans croissance, sans confiance, sans climat social apaisé, ce sera encore plus difficile...

Quels financements possibles pour les PME-ETI dans cette période ? Comment les banques abordent-elles la situation ? Comment ont-elles réagi à chaud et comment cela se translate-t-il dans le temps ?

Très concrètement, concernant le financement des TPE-PME-ETI, tant sur le plan de leur trésorerie à court terme que de leurs besoins d’investissement, il est clair qu’un soutien exceptionnellement important a été mis en place. Au-delà des mesures d’allégement de charges (ponctuelles ou pérennes) accordées par l’Etat, les banques françaises ont également autorisé des moratoires sur le remboursement des crédits existants et de nouvelles enveloppes sous forme de PGE (prêts garantis par l’Etat) ou encore d'autres solutions adaptées à chaque situation.

560 000 entreprises petites et moyennes ont ainsi bénéficié, dans des délais extrêmement courts, de PGE à hauteur de 120 Mds et elles vont pouvoir décider des modalités de remboursement en accord avec leur banquier et en fonction de leurs possibilités.

Cette crise a d’ailleurs été, pour les banques aussi, une motivation à adapter les modes d’action au contexte. Par exemple, les circuits d’étude d’une demande de crédit ont été revus et drastiquement raccourcis pour permettre de faire face à la demande massive et simultanée de PGE.

Les banques ont-elles la capacité de soutenir suffisamment les PME et ETI, à les accompagner pour qu’elles dépassent le mode survie et continue à se projeter vers l’avenir ?

Clairement, le système bancaire français est solide et démontre sa capacité à faire son métier de cœur (au propre et au figuré) qui est de financer l’économie et tous ceux qui la font ! Pas d’inquiétude à avoir donc quant à la poursuite d’un accompagnement financier des TPE-PME-ETI par leurs banques.

Quel volontarisme de la part des financeurs ? Que regardent-ils plus précisément ?
Qu’est-ce que la période modifie dans leur stratégie ?

Toutes les entreprises viables, indépendamment de l’incidence ponctuelle de la crise sanitaire, doivent pouvoir trouver les conseils et solutions adaptés à leurs besoins de fonctionnement et de croissance.

Je parle ici en tant qu’ancienne banquière et le meilleur conseil que je puisse donner aux entrepreneurs (femmes et hommes) qui nous lisent, c’est d’aller voir leur banquier et de leur expliquer, en toute transparence et confiance, leurs projets et éventuelles difficultés.

Quand on parle financement, il y a un dernier sujet très important au-delà des crédits bancaires ou des financements par les marchés, c’est celui des fonds propres…

Leur montant doit en effet être suffisant pour permettre l’endettement nécessaire à l’entreprise. Beaucoup de questions sont posées aujourd’hui sur le niveau d’endettement des entreprises versus les fonds propres dont elles disposent (et aussi, bien sûr, leurs capacités de remboursement). En réalité, les entreprises françaises ne sont pas trop endettées mais, parfois ou souvent, elles auto-limitent leur croissance en ne se dotant pas du niveau de fonds propres qui leur permettrait de nourrir des projets de croissance plus ambitieux.

Comment faire évoluer cette situation ?

Il y a un gros travail de pédagogie à faire par l’ensemble des acteurs de l’investissement en fonds propres pour expliquer aux chefs d’entreprise les différentes solutions qui existent et qui vont des nouveaux prêts participatifs aux entrées minoritaires ou majoritaires au capital des entreprises. Pour illustrer la volonté des financeurs, et en parlant de la banque que je connais le mieux, je peux, par exemple, vous dire que BNP Paribas vient de se donner l’ambition de doubler le montant de ses financements en fonds propres pour les PME-ETI en portant ses capacités de 2 à 4 Mds en France à horizon 2024.

L’entrepreneuriat féminin est un sujet qui vous tient à cœur. Quel message lui adresseriez-vous ?

Je voudrais dire aux Entrepreneures en herbe comme aux plus confirmées que la période qui s’ouvre leur sera certainement favorable car la transformation et la responsabilité seront les maîtres mots de l’économie et nous savons que ce sont deux domaines d’excellence des femmes dirigeantes...


Lauréates de l’édition 2020 du Palmarès / Appel à candidature

« Faire partie du palmarès Women Equity permet de se positionner dans une élite de PME françaises. »

Cherche PME de croissance ayant vocation à devenir championne de son secteur au régional, national et à l’international. La sélection du 11e palmarès Women Equity est ouverte.

Qu’elles aient créé ou repris leur entreprise, leurs qualités se lisent dans leurs résultats nets : les dirigeantes performent. Alors pourquoi seraient-elles moins visibles ? La onzième édition du Palmarès Women Equity a pour ambition de les mettre à l’honneur.

Aidez-nous à transformer le coup de projecteur en fabrique de rôles modèles pour une croissance inclusive.
Nous lançons officiellement l’appel à candidature pour élargir notre identification des entreprises pouvant se classer au palmarès 2020.

Quelle PME peut être candidate ?

Le palmarès de Women Equity s’attache aux PME indépendantes qui existent depuis au moins trois ans. Des entreprises qui sont en croissance et sont dirigées ou co-dirigées par des femmes.

Le chiffre d‘affaires doit être compris entre quatre et cent cinquante millions d’euros. Le siège social doit être en France.

Quels sont les critères de classement ?

Le classement s’opère selon la moyenne de cinq indicateurs : la croissance du chiffre d’affaires sur la dernière année, la rentabilité sur la dernière année (EBE/CA), la croissance moyenne du chiffre d’affaires sur les trois dernières années, la croissance en moyenne de l’EBE sur les trois dernières années, et la croissance en valeur du chiffre d’affaires sur la dernière année.

Pourquoi participer ?

Pour gagner en visibilité. C’est l’un des points faibles des PME de croissance en France et c’est encore plus vrai lorsqu’il s’agit d’entreprises dirigées par des femmes.

Le but premier du Palmarès Women Equity est de les identifier, de leur apporter la reconnaissance qu’elles méritent et faciliter leur transformation en championnes de leur secteur. Il met à l’honneur 50 pépites françaises aux performances exceptionnelles.

Participer permet aussi de gagner en arguments tangibles, lorsqu’une fois visibles, ces PME de croissance veulent aller chercher des financements : depuis dix éditions déjà, Women Equity réalise un Index des PME et ETI de croissance à partir des éléments collectés auprès des greffes des tribunaux de commerce, soit près de 40.000 entreprises chaque année.

Ces données sont vérifiées, étayées par des dirigeants et analysées afin de nourrir une étude et fournir des éléments scientifiques sur les performances des PME de croissance.

Le palmarès des 50 meilleures performances est extrait de cet index et mis en perspective.

Pourquoi cet appel à candidature ?

Parce qu’il reste plus d’un tiers des PME de croissance à identifier. En France, l’Insee estime leur nombre à 70.000. Grâce aux bases des tribunaux de commerce, Women Equity en pointe 40.000, correctement renseignées sur les trois années qu’étudie l’index.

Où sont les 30.000 qui échappent à ce scan ? Quelles pépites y vivent encore dans l’ombre ?

Women Equity croit en la proximité et aux réseaux professionnels : nous avons lancé des éditions régionales dès 2016 dans le Grand-Ouest et en Région Sud pour nourrir le palmarès.

Une dynamique de rapprochement des territoires que Women Equity va encore intensifier. Les réseaux professionnels, la recommandation par les pairs, les décideurs économiques et institutionnels, par les médias aussi, participent du même principe.

Pourquoi recommander ?

Pour faire apparaître des PME performantes dans nos radars à des fins scientifiques mais surtout économiques. Les PME et ETI sont le gisement de nouveaux emplois.

Plus véloces, avec des business models innovants, ces entreprises tirent la croissance de la France vers le haut. Si les dirigeantes s’intègrent davantage dans les réseaux professionnels, si elles sont mieux armées pour capter du capital, pour développer leurs relations d'affaires et muscler leur croissance.

Une dynamique qui se démontre dans les enseignements tirés des dix palmarès précédents.

Pourquoi maintenir une édition malgré la COVID-19 ?

Les PME ont plus que jamais besoin d’être identifiées, soutenues, accompagnées pour passer le cap. L’atterrissage 2020 sera compliqué pour nombre de PME. Se classer au palmarès Women Equity est déjà exceptionnel, le cru 2021 le sera encore plus. Il permettra de mettre l’accent sur la capacité de résilience des PME et de mettre en lumière celles qui dans un contexte contraint parviennent à structurer leur ascension.

Quels enseignements sur les dernières éditions ?

Année après année, l’index Women Equity met en évidence une surperformance moyenne des PME dirigées par des femmes ou des équipes mixtes, tant en terme de croissance que de rentabilité, ainsi qu’une meilleure résistance à la crise. La diffusion de nos travaux, index, palmarès et études de notre conseil scientifique fait évoluer les représentations des rôles sociaux attribuer au féminin et au masculin. La mise en avant des parcours, des succès facilite aussi le développement de modèles de management diversifiés.

Comment nous faire remonter les profils ?

Relayer largement cet appel à candidature dans vos réseaux. Pour recommander, adressez-nous un mail à palmarès@women-equity.com indiquant l’identité de la personne qui recommande, quelques informations sur l’entreprise recommandée (raison sociale, activité, secteur, site web) et le contact de la dirigeante (nom, prénom, email, téléphone, fonction).

Pour candidater, même chose avec davantage de précisions (raison sociale, effectif de 2016 à 2019, siège social, secteur, marché, CA des trois dernières années, EBE des trois dernières années, part à l’export). Les données indiquées restent totalement confidentielles.

On compte sur vous ! Appel à diffuser très largement.


Pourquoi il faut plus de femmes à la tête des PME et ETI

«Il faut raconter la diversité des profils entrepreneuriaux, accompagner et partager ces succès remarquables dans tous les secteurs de l’économie.»

Zéro dirigeante au CAC 40, combien à la tête des PME et ETI? Women Equity Partners est interrogé par Brut. et la journaliste Pauline Normand sur la sous-représentation massive des femmes dans les instances dirigeantes.

L’occasion pour sa fondatrice Dunya Bouhacene de revenir sur un chantier d’importance, de l’éducation, aux media, aux politiques, aux acteurs au sens large de l’économie.
Et de réaffirmer que le sujet ne peut se résumer à la féminisation des plus hautes sphères des grands groupes, pas plus qu’au soutien à la création de micro-entreprises par des femmes, les deux seuls volets à date de l’action publique.
La question des PME et ETI est centrale et Women Equity Partners en a fait son chantier principal.

Quel est le nombre de femmes dirigeantes au sein du CAC 40 et que dit ce chiffre?

Zéro. Il n’y a aucune femme à la tête d’une entreprise du CAC 40, cet indice rassemblant les 40 premières capitalisations boursières françaises. Il y en a une dizaine au sein du SBF 120, regroupant les 120 plus grosses entreprises cotées françaises.
La sous-représentation des femmes dans les directions opérationnelles des grands groupes reste massive, alors que la parité au baccalauréat a été atteinte il y a près de trois générations (71), qu’elles raflent la majorité des mentions, qu’elles forment la majorité des admis aux concours des grandes écoles de commerce, comme des diplômés de 3e cycle et la moitié de la population active.

Pourquoi s’en préoccuper?

Au-delà même de l’aberration économique à former, sur nos impôts à tous, des individus dont la trajectoire va être arrêtée et dont les contributions économiques, sociales, fiscales seront limitées, il y a la question d’une France qui se prive d’une source de croissance : les entreprises où les femmes sont présentes aux plus hauts niveaux de décisions sont, de loin, les plus performantes.
Selon l’observatoire Skema de la féminisation des entreprises, l’étude de mars 2020 démontre une nouvelle fois qu’il y a un lien entre la féminisation de l’encadrement et les performances économiques de l’entreprise.
Plus une entreprise compte de femmes à sa tête, plus elle est rentable.
La démonstration tient en quelques chiffres. La marge opérationnelle tout d’abord.
Quand elle est de 10% dans les entreprises dont l’encadrement compte le moins de femmes, elle est de 25% dans celles qui en comptent le plus.
Quinze points, c’est ce que fait gagner en marge opérationnelle la présence des femmes au plus haut niveau.
Même chose sur la performance boursière. Sur dix ans, les dix entreprises les plus mixtes affichent près de 300% de croissance contre 43% pour la moyenne des entreprises du CAC40.
La mixité est un enjeu de compétitivité et de performance économique et sociale pour l’entreprise.

Donc, pas de femmes ou quasi à la tête des plus grands groupes français, mais combien sont-elles dans les Comex, ces centres de décisions des entreprises?

Moins de 20% en 2020.

Pourquoi les femmes peinent-elles à y accéder?

De nombreuses raisons expliquent cette situation, rappelons-le encore une fois, défavorable à l’économie française : les biais et stéréotypes projetés par les familles, l’éducation nationale, les media, le politique, les entreprises elles-mêmes, sur qui peut être un dirigeant et ce que doit être une femme ; les réseaux de pouvoir organisés au masculin et pratiquant l’entre soi et la cooptation, la liste est longue.
Tous ces éléments se translatent dans la vie professionnelle des femmes en double relégation, dans les rôles et dans les fonctions : ce qu’on appelle le plafond de verre et les parois collantes.

Le politique s’est saisi du sujet, pour tenter de forcer les pentes de progression, notamment au travers de la loi Copé-Zimmermann en 2011… Pour quel effet?

Je rappelle qu’à l’époque si on avait laissé les choses suivre leur cours, il aurait fallu attendre près de 200 ans pour espérer atteindre une parité sur la question.
Alors cette loi Copé-Zimmermann que dit-elle? Il faut légiférer sur ce qui est légiférable, c’est-à-dire sur les instances de contrôle des entreprises, les fameux conseils d’administration, et forcer, par le quota, une progression de la part des femmes dans ces instances.
A l’exemple de grands voisins européens, la France a fixé un quota obligatoire de 40% du sexe sous-représenté (ne me demandez pas lequel !) dans les CA au 1er janvier 2017 dans les entreprises cotées et dans les sociétés comptant plus de 500 salariés permanents et un chiffre d’affaires supérieur à 50M€ (élargi aux entreprises de 250 salariés en 2014, avec un horizon d’atteinte en 2020).
Avec des résultats mirifiques sur le papier: 10 ans plus tard, la parité est presque atteinte dans les CA du CAC 40 / SBF 120 avec 45% d’administratrices.

Fin de l’histoire?

Bien sûr que non! Les organes de direction des entreprises, les Comex ou équivalents se sont bien moins significativement féminisés sur la période, passant de 8 à 18%. J’ai en tête un exemple particulièrement criant de cette disjonction, un grand groupe français qui compte 58% d’administratrices, mais 0% de membre du Comex, et 19 femmes dans le top 100.
Mais surtout, combien d’entreprises entrent réellement dans le champ de cette loi? Un tout petit nombre en réalité.
Il faut pondérer les impacts de la loi Copé-Zimmermann, malgré sa dynamique évidente, à l’aune du nombre d’entreprises auxquelles elle s’applique vraiment, c’est-à-dire aux seules sociétés statutairement dotées de conseils, les SA (société anonyme) et les SCA, qui ne représentent qu’un tout petit nombre.
Ainsi les SAS, qui organisent librement leur gouvernance, n’entrent pas dans son champ. Or, 80% des ETI sont structurées en SAS.

Alors maigre bilan ?

Certes, on ne parle in fine que de quelques centaines de femmes, ça fait léger à l’échelle de la France, mais il ne faut pas sous-estimer les effets induits de cette loi: en mettant l’attention sur la féminisation des instances des plus grandes entreprises, elle contribue à muscler le débat parce qu’elle le documente.
Mais il ne faut pas se tromper: l’effet de ruissellement attendu de la nomination d’administratrices indépendantes, et donc extérieures à l’entreprise, sur les instances de direction des très grandes entreprises ne s’est pas produit et son extension à l’ensemble de l’économie réelle encore moins.

Qu’en est-il des PME et ETI de croissance qui ne rentrent pas (encore?) dans le champ de la loi? Il semble y avoir une hausse du nombre de femmes créatrices d’entreprises…

Cela fait 10 ans chez Women Equity que nous nous attachons à identifier, accompagner, financer et promouvoir les PME de croissance et les ETI dirigées par des femmes en France.
Parce que nous croyons à la vertu des rôles modèles accessibles (ce que n’est pas tout à fait une patronne du CAC 40, et où la dimension politique de la nomination ou du maintien n’est pas anodine) pour faire bouger les lignes.
Parce qu’il faut raconter la diversité des profils entrepreneuriaux, accompagner et partager ces succès remarquables dans tous les secteurs de l’économie.
Nous avons démarré à partir de plusieurs constats.
Les PME et ETI, pourtant responsables de 55% des emplois au global (et plus du double de celui des grandes entreprises), relèvent de la boîte noire, avec peu d’éléments d’information sur le profil des dirigeants, sur les parcours d’accès aux fonctions de direction, sur la composition salariale, etc.
Nous documentons chaque année depuis 10 ans près de la moitié des entreprises françaises qui disposent de chiffres d’affaires entre 4 et 150 M€, soit 40 000 PME et ETI, et regardons la part des femmes dirigeantes et comparons leurs performances à celles de leurs homologues masculins.
Leurs entreprises représentent entre 15% et 20% de l’échantillon global, sont de taille tout à fait similaire à leurs homologues et ne sont pas cantonnées à quelques secteurs considérés comme féminins.
Fait plus remarquable encore, à taille et secteur homogènes, elles surperforment, avec une rentabilité moyenne à près de 9% versus 6% pour leurs homologues.

Ces entreprises remarquables sont-elles pour autant reconnues? Prennent-elles pour autant la place qui leur revient dans les media, les réseaux institutionnels et politiques?

Certainement pas, même si nous nous attelons à faire la lumière sur elles.
Plus dérangeant encore, si on regarde la façon dont elles sont financées pour soutenir leur croissance, elles ont en moyenne six fois moins de probabilité d’être accompagnées par les acteurs du capital-investissement français.
Toute l’initiative de Women Equity Partners, au fil des années dédiées au soutien des PME et ETI dirigées par des femmes, vise à identifier et mettre en évidence l’incroyable richesse d’un univers d’entreprises largement méconnu et encore aujourd’hui relativement ignoré, dirigées par des managements remarquables, qui excellent sous de nombreuses contraintes, de visibilité et de reconnaissance, de faible intégration dans les réseaux d’affaires traditionnels, comme de financement en capital.
La plateforme Women Equity a été développée à partir des attentes identifiées et exprimées par des dirigeantes de PME qui comptent parmi les plus performantes.
Sa mission: construire un écosystème favorable qui leur permet de majorer l’impact économique, financier, social et sociétal des entreprises dont elles ont la responsabilité. Et concourir ainsi à l’émergence de champions régionaux, nationaux, et internationaux.

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Valoris Développement : « Cette fois encore, la crise témoigne de ce que l’on est »

« Le Covid-19 aura amplifié les grandes tendances »

Appartenir à un réseau permet-il de mieux faire face ? Laurence Pottier-Caudron, la fondatrice des agences d’intérim Temporis, franchisées par Valoris Développement, veut le croire.

Pour celle qui prône l’humilité, l’autonomie, le respect, le professionnalisme et la solidarité comme valeurs de la franchise, l’intérêt du réseau est encore plus patent en période de crise. Les crises exacerbant ce que chacun est, analyse Laurence Pottier-Caudron.

Qu’aura dit celle du Covid-19 de Temporis ? Elle aura mis en évidence le style de leadership adopté par Laurence Pottier-Caudron: savoir montrer le cap par gros temps et se mettre en retrait quand tout va bien.

« Ma ligne a été solidarité et action. Dès l’annonce du confinement, j’ai réuni le comité stratégique de l’entreprise et j’ai annoncé que je supprimais nos minima contractuels pour 2020. »

« Et une fois l’urgence traitée, on a travaillé à remettre les gens en mouvement. On a créé une commission pour penser la reconquête, une commission digitale. »

Rester présents

Le message fort du franchiseur était de ne pas prendre de retard, de s’adapter à la situation.

« Le but était de garder les agences actives même si fermées au public. On les a cartographiées, on a structuré l’effort de soutien aux plus récentes, aux plus fragiles, avec la contribution de contrôleurs de gestion très aguerris.

On a décrypté les mesures sur le plan juridique et financier, mis en place des webinars pour que les membres du réseau aient accès aux bons outils, se forment. On a engagé les agences à revoir leurs budgets 2020 en projection sur 2021. Nous avons aussi beaucoup communiqué.

Il était important que le réseau reste très présent. On a créé des affiches pour que nos vitrines soient porteuses de vie et de messages d’avenir. »

La prime à ceux qui gardent le lien

Que restera-t-il des mesures prises après la crise ? « Ecologie versus économie ? C’est peut-être dur à dire, mais je pense qu’on n’a pas assez souffert pour que cette crise provoque des changements profonds. »

« Le besoin de réindustrialiser la France a été mis en avant face aux difficultés d’approvisionnement en masque. L’effet de l’activité économique sur la pollution a pu être visualisé concrètement. Mais que va-t-on en faire ? »

« Il y aura peut-être des relocalisations stratégiques, plus certainement une volonté de développer le circuit court. Mais je crois surtout qu’il y aura de façon certaine une prime à ceux qui auront gardé le lien. »

Capitaliser sur le collectif

« Les Français vont davantage capitaliser sur le collectif. Les vertus du réseau se seront ressenties et les entrepreneurs seront moins tentés d’être des indépendants isolés. »

S’il est tôt pour mesurer ce que la crise aura pesé dans le bilan 2020 de chaque agence, une chose est déjà acquise : en réseau solidaire et soudé, faisant preuve de réactivité et de pédagogie, Temporis aura maintenu sa dynamique.

La courbe est ascendante. Celle du moral et de la pugnacité des franchisés Temporis aussi. Cap sur 2021.


Redex Group : « Réfléchir différemment nos interactions »

« Plus d’intelligence artificielle dans notre R&D »

Face au Covid-19, Redex Group, acteur de référence mondiale dans l’industrie de haute précision, réagit en modulant l’angle d’attaque de sa R&D.

Les machines-outils, la métallurgie et la sidérurgie sont son univers. Lauréate du palmarès Women Equity 2019, Sylvie Bernard-Grandjean est à la tête d’une PME familiale spécialisée dans la conception et fabrication de solutions de haute technologie pour des industries de haute précision.

Implanté dans le Loiret à Ferrières-en-Gâtinais, Redex Group est expert en systèmes d’entraînement pour machine-outil, en laminoirs de fils de précision et en équipements pour la production de bande métal.

Partenaire de référence mondiale pour les équipements industriels à haute valeur ajoutée, Redex Group réalise entre 80 et 90 % de son chiffre d’affaires à l’export.

Forte d’une implantation sur pratiquement tous les continents, avec des sites en France, en Allemagne et en Chine, Sylvie Bernard-Grandjean a pu anticiper sur la crise sanitaire et prendre toutes les mesures socio-économiques nécessaires pour garder ses unités de production européennes ouvertes.

Internationale par essence

Dans un marché très international par essence, la PME familiale a été très exposée aux arrêts économiques mondiaux, mais elle a su tirer profit d’une conjoncture contrainte pour stimuler le dialogue social et l’engagement autour du projet de l’entreprise, et repenser sa R&D.
Sylvie Bernard-Grandjean : « Nos bureaux d’études étudient de nouvelles manières d’interagir avec nos clients. Notre métier est de leur apporter des solutions techniques très haut de gamme, ce qui veut dire les accompagner de la conception à l’utilisation de nos solutions, donc avoir des échanges très fréquents.

Les déplacements multiples, l’envoi de nos techniciens sur place au fin fond des Philippines ou du Mexique ne sont plus possibles. Aujourd’hui, on essaie de voir avec nos équipes locales, si on ne peut travailler davantage avec des outils numériques d’aide à la décision.

Notre R&D se tourne vers plus d’intelligence artificielle. »

L’attractivité des territoires

A la question de fond portant sur la capacité de notre économie à encaisser de futurs chocs systémiques, et face au florilège de bonnes intentions qui s’expriment sur la nécessaire réindustrialisation de la France et développement des circuits courts, Sylvie Bernard Grandjean insiste sur la globalité de la réflexion qui doit animer les pouvoirs publics : favoriser la compétitivité mondiale des champions nationaux et l’attractivité des territoires sur lesquels ils sont susceptibles de se développer.

La dirigeante pointe les ferments d’une crise sociale, présents bien en amont du Covid-19 : « Le sentiment des territoires d’avoir été un peu abandonnés est palpable dans nos entreprises. On le vit au quotidien. Là où nous sommes implantés à Ferrières-en-Gâtinais, nous sommes dans un désert médical et dans une zone blanche (dans mon bureau le téléphone portable ne passe pas). Il faut voir la réalité en face. »

L’échiquier est et restera mondial

Pour Sylvie Bernard Grandjean, l’échiquier économique est bel et bien mondial, et le restera, avec une importance du technologique et du politique dans l’équilibre des échanges.

« Pour y avoir habité plusieurs années, j’observe que la Chine va très vite. Je suis convaincue qu’elle va laisser tomber la production de masse pour beaucoup plus de productions technologiques et elle en est tout à fait capable. Donc nous, Européens et Américains, allons nous retrouver en concurrence de manière beaucoup plus conséquente avec la Chine dans le monde entier. »

« Les politiques nationales vont jouer dans la nature et les volumes d’échange. Il ne faut pas oublier que la Chine est une dictature. Quand le président décidera que telle ou telle industrie devra prospérer elle prospérera, quoi qu’il en coûte. »

L’économie est un tout

A la logique de filières, Sylvie Bernard-Grandjean privilégie l’action sur la dynamique des territoires.

« Ce sont les territoires qui font vivre la France. Moi Redex, je suis à côté d’une entreprise qui fait de l’embouteillage, une autre qui produit des cartons. Si je ne suis pas très loin d’une école pour l’apprentissage, d’un médecin et d’un hôpital pour que chacun puisse se soigner, je suis plus attractive qu’à l’inverse. »

« En Allemagne, l’usine est intégrée au cœur de la ville. Il n’y a pas incompatibilité entre une usine, un centre commercial et des habitations. Si c’est réfléchi et que des urbanistes travaillent sur cette interconnexion des lieux, on est paré. »

« C’est à ce prix que je peux être attractive pour des salariés, en couple, avec des enfants à élever. L’économie est un tout. »n


Interview - Valoris Développement : « La crise témoigne de ce que l’on est »

Appartenir à un réseau permet-il de mieux faire face ? Laurence Pottier-Caudron, la fondatrice des agences d’intérim Temporis, franchisées par Valoris Développement, veut le croire.

Comment Temporis, le 1er réseau d’agence d’emplois que Valoris Développement, votre groupe, franchise (171 agences partout en France), a-t-il passé la crise du Covid-19 ?

Laurence Pottier Caudron, fondatrice de Temporis : Les crises font partie de la vie d’une entreprise et je pense qu’elles exacerbent ce qu’on est.

Valoris Développement avait déjà vécu celle de 2008-2009 sans fermeture. Le réseau avait même plutôt mieux résisté que certains grands groupes et était reparti plus vite.

Cette fois encore, la crise témoigne de ce que l’on est : un réseau solidaire et soudé. Qui fait preuve de réactivité, s’appuie sur la pédagogie et l’accompagnement de chacun.

Ca s’en trouve encore renforcé sur la période.

Quelles ont été vos toutes premières décisions ?

Nous avons fait partie des activités qui pouvaient rester ouvertes.

Dès le discours du Premier Ministre en mars, mon premier message aux dirigeants du réseau a été de leur rappeler qu’étant indépendants, ils pouvaient faire ce qu’ils voulaient.

J’ai cependant préconisé que les agences soient fermées au public mais ouvertes à distance.

Nous avons très vite trouvé de nouveaux outils pour communiquer avec le réseau, j’ai mis en place des webinars dès le lundi. Les huit juristes de la franchise sont tout de suite entrés dans l’action.

On a d’abord géré l’humain, les 500 permanents, plus les 8000 intérimaires. Nous sommes passés très rapidement en télétravail. Nos informaticiens avaient anticipé.

Ils avaient commandé cinquante ordinateurs. On a pu être opérationnel rapidement.

Puis après, on a mobilisé nos contrôleurs de gestion. Toujours via des webinars. On a invité nos franchisés à refaire leurs budgets 2020 en se mettant dans la perspective de 2021.

On a cartographié nos agences, les plus récentes, les plus fragiles, les moyennes, les plus solides. On a donné les plus fragiles aux contrôleurs de gestion les plus aguerris. On leur a décrypté toutes les mesures sur un plan juridique et financier.

On a sollicité nos experts bancaires pour qu’ils conseillent les franchisés sur les démarches à faire concernant le PGE, les prélèvements, etc. On a fait un gros travail de pédagogie et d’accompagnement.

Cette pédagogie et cet accompagnement montrent tout l’intérêt d’être dans un réseau ?

Totalement. Et nos franchisés nous ont fait de super retours. Je considère que le rôle du leader et de la tête de réseau est de savoir s’effacer lorsque tout va bien et de montrer le cap dans la tempête, d’être suffisamment clair dans ses indications pour que chacun puisse tenir fermement la barre et tracer sa route.

Mettre en place un accompagnement efficace, mobiliser le collectif, c’est à cela qu’on sert. Pour un franchiseur, il ne faut pas oublier que la réussite va de pair avec celle de ses franchisés.

Ce ton s’est aussi traduit d’un point de vue financier ?

Ma ligne a été solidarité et action. Dès l’annonce du confinement, j’ai réuni le comité stratégique de l’entreprise et j’ai annoncé que je supprimais nos minima contractuels pour 2020.

Le but étant de ne pas rajouter de crise à la crise et d’être tous là l’année prochaine.

Et une fois l’urgence traitée, on a travaillé à remettre les gens en mouvement. On a créé une commission pour penser la reconquête, une commission digitale.

On a décidé que notre forum des formations se ferait sous forme digitale. J’ai décidé que tout ce qu’on faisait habituellement, on allait continuer à le faire autrement.

On ne prend pas de retard, on s’adapte à la situation. On n’a jamais eu autant de présence sur les formations !

Au-delà de la formation elle-même, les personnes avaient besoin de s’informer et d’échanger. On a fait des webinars de relance pour être prêts à redémarrer en toute sécurité.

Comment cette dynamique s’est-elle traduite chez les franchisés ?

Chez Temporis, les franchisés peuvent suivre la tendance du réseau. Depuis le déconfinement, on voit que le chiffre d’affaires est reparti, qu’il augmente de semaine en semaine.

Le moral remonte. Pouvoir agir rejaillit positivement sur le réseau. Les animateurs du réseau sont mobilisés, avec des missions réadaptées au contexte.

Nous avons aussi beaucoup communiqué. Il était important que le réseau reste très présent. On a créé des affiches pour que nos vitrines soient porteuses de vie et de messages d’avenir.

Les gens ont eu besoin de se sentir entourés.

La crise du Covid-19 aura-t-elle finalement été une occasion de se repenser ?

Pour beaucoup, elle a ouvert une période de réflexion sur ce qu’ils voulaient faire de leur vie.

Depuis le déconfinement, nous avons reçu des candidats, en quête de sens, qui postulent pour rejoindre la franchise. Le changement se sent aussi dans l’acceptation des messages portés par le franchiseur.

Nous avons vu passer comme une lettre à la poste des messages qui rencontraient préalablement des résistances, comme la vertu de diversifier ses clients par exemple. La période a eu un effet loupe.

Vous pensez que les changements seront durables ?

Ecologie versus économie ? C’est peut-être dur à dire, mais je pense qu’on n’a pas assez souffert pour que cette crise provoque des changements profonds.

Le besoin de réindustrialiser la France a été mis en avant face aux difficultés d’approvisionnement en masque. L’effet de l’activité économique sur la pollution a pu être visualisé concrètement.

Mais que va-t-on en faire ? Il y aura peut-être des relocalisations stratégiques, plus certainement une volonté de développer le circuit court.

Mais je crois surtout qu’il y aura de façon certaine une prime à ceux qui auront gardé le lien.

Comment pensez-vous que la franchise en bénéficie ?

Les Français vont davantage capitaliser sur le collectif. Les vertus du réseau se seront ressenties et les entrepreneurs seront moins tentés d’être des indépendants isolés.

On va avoir envie de travailler et de faire travailler des personnes qu’on aime. Restera aussi la reconnaissance, la revalorisation de certains postes, notamment ceux qui rendent service à la population. La franchise devra le prendre en compte dans ses profils mis en avant.

Et je pense qu’on va à coup sûr faire beaucoup moins de réunions en présentiel. Les gros rassemblements où tout le monde fait le déplacement pour quatre heures de réunion n’auront plus de sens. L’efficacité de la réunion digitale s’est démontrée d’elle-même.

Les bénéfices et les inconvénients du télétravail aussi. Des tabous ont été cassés. C’est aussi ça, le propre d’une crise : rendre l’impossible possible.


Interview - Redex Group : « Réfléchir différemment nos interactions »

Face au Covid-19, Redex Group, acteur de référence mondiale dans l’industrie de haute précision, réagit en modulant l’angle d’attaque de sa R&D.

Dans quel état d’esprit êtes-vous face à la crise qui nous touche ?

Sylvie Bernard-Grandjean, directrice générale de Redex Group, référence mondiale dans l’industrie de haute-précision (Loiret) : « Il ne s’agit pas d’une mais de trois crises qui s’enchaînent : une crise sanitaire, qui a débouché sur une crise économique et qui va déboucher sur une crise sociale. Je le ressens dans tous les pays où nous sommes présents (tous les continents sauf l’Afrique et la Russie).

Comment avez-vous appréhendé la crise sanitaire ?

Relativement bien. En Europe, nous avons deux usines en France, une en Allemagne, un bureau d’étude dans le nord de l’Allemagne et un en Slovaquie. Nos collègues chinois et italiens ayant été exposés avant nous, nous avons tiré enseignement de leur réaction. Nous avons perçu des signes avant-coureurs d’un malaise en Chine dès début décembre. On craignait des difficultés économiques, mais on sentait aussi quelque chose de plus subtil. De fait. La crise sanitaire a commencé bien avant les dates avancées par les gouvernements.

Quelles actions avez-vous mises en place ?

Comme nous avions bien vu ce qui se passait ailleurs, j’ai tout de suite motivé mes troupes, convaincue qu’il s’agissait non pas d’une vague mais d’un tsunami qui nous arrivait dessus. On a réagi très en amont. Nous avions déjà arrêté la restauration collective, les réunions côte à côte et nous avions déjà renforcé les mesures d’hygiène, avant même le confinement.

Une des clés de l’adhésion à ces mesures en interne ?

C’est inconditionnellement le dialogue social, dialogue que j’ai d’ailleurs renforcé car pour moi, il est essentiel. Je suis intimement convaincue que si vous n’avez pas un dialogue social constructif avec les représentants du personnel, vous ne pouvez pas traverser une telle crise. Sans ce dialogue, la base ne comprend pas, n’accepte pas.

Ces mesures vous ont-elles permis de ne pas interrompre votre production ?

Nous avons continué à travailler. Par roulement. Avec une présence un jour sur deux. Sur nos deux sites français, on a éloigné les postes de travail pour qu’il y ait de la distance et le moins de croisement possible.

En Allemagne, où la conscience du collectif est plus aiguisée, la vision plus citoyenne, la réorganisation s’est faite plus instinctivement. Elle a été très rapide, avec des solutions par eux-mêmes. La Slovaquie a été touchée après nous. J’ai pu lui faire passer ce qu’il fallait.

Cela a-t-il suffi pour autant à vous protéger du tsunami ?

D’un point de vue sanitaire oui, économiquement non. Le tsunami nous est arrivé dessus par les défaillances logistiques et l’arrêt des commandes : les camions qui ne livrent plus, le manque de matières premières, les clients qui ont eu peur, donc annulent ou reportent, les clients sans nouvelles dont on ne sait s’ils existent encore,… Le tsunami nous a impacté par effet de ricochet.

Jusqu’à quel point ?

Nous sommes une société familiale de cinquante ans, nous avons toutes les réserves financières qu’il nous faut pour tenir le coup. Nous avons obtenu un PGE. Financièrement, nous ne devrions pas être dans l’impasse mais il faut que notre business continue.

Sentez-vous une différence depuis le déconfinement ? Une première reprise ?

Le plus notable côté salariés est qu’aujourd’hui, nous avons à gérer la différence d’état d’esprit entre ceux qui sont venus travailler pendant le confinement et ceux qui sont restés chez eux.

Quand vous recevez quelque chose de l’intensité de cette pandémie, vous passez par une phase de colère, d’acceptation, de déprime et après vous remontez, vous reconstruisez.

Dans nos usines françaises, nous en étions arrivés au point d’être heureux de venir travailler, en sécurité. Nous sentions un collectif très fort.

Les gens qui sont revenus au déconfinement en étaient encore à la peur, au rejet, au négatif. Il a fallu remettre en phase les équipes.

En quoi vous était-il essentiel de continuer l’activité ?

On y avait très clairement été invité par le Président Macron. Le message était « Restez chez vous », mais il disait aussi « Allez travailler dès lors que vos entreprises ont mis en place les mesures sanitaires nécessaires à votre protection ».

La grande majorité n’a entendu que la première partie du propos.

Au-delà du fait que nous avons refabriqué des équipements allant sur des machines pour faire des masques, Redex est une industrie essentielle au moins au deuxième rang. Toute activité est essentielle si vous voulez qu’un pays fonctionne.

Nos salariés étaient tout à fait motivés pour venir, d’abord pour que l’entreprise ne se casse pas la figure, parce qu’ils ont bien compris que le risque était élevé, ensuite parce qu’ils ont eu l’impression de faire quelque chose de positif pour l’économie du pays.

Il y a eu une vraie expression du collectif au profit de l’entreprise.

Un collectif très fort, une solidarité, une entraide aussi ?

La solidarité et l’entraide se sont exprimées de manière instinctive. Collectivement nous avons décidé de donner nos deux premières livraisons de masques aux soignants locaux : infirmières, personnels de l’Ehpad et du centre de jeunes handicapés dont nous sommes voisins.

Gel, masques,… Avez-vous privilégié l’entraide de proximité entre industriels français ou fait jouer vos liens avec la Chine ?

Les deux. Nous nous sommes approvisionnés en gel chez notre voisin qui embouteille de l’alcool et des produits ménagers et s’était reconverti. Liens avec la Chine, pour les masques. Là-aussi, j’avais anticipé bien avant, je les avais fait venir de nos bureaux, qui ont su trouver des solutions pour nous les envoyer.

En tant que chef d’entreprise, je suis responsable de la santé de mes salariés. J’ai pris à cœur ce sujet-là dès le départ.
Sans recommandations précises, j’ai fait comme tout chef d’entreprise : j’ai regardé à droite à gauche ce que les autres ont fait, je me suis ouverte à la discussion, j’ai observé, je ne suis pas restée pétrifiée devant la problématique.

Quel est encore l’impact de la crise économique sur votre activité aujourd’hui ?

C’est comme pour le moteur d’une voiture qui roule au ralenti. Si vous baissez trop de régime, vous calez et pour redémarrer, vous avez besoin de beaucoup plus d’énergie que si vous aviez réussi à ne pas vous arrêter.

Redex fait tout pour ne pas caler et garder son énergie au bénéfice d’une accélération plutôt que d’un redémarrage.

Comment voyez-vous ce redémarrage ?

Il y a des moments où j’y crois à fond, non sur une courbe de reprise en V ou en U mais en W, et parfois je crains qu’elle ne se transforme en L.

Émotionnellement, c’est très compliqué, on passe par des montagnes russes entre l’espoir qui renait, une complication qui apparaît, des solutions que l’on pensait pérennes et qu’il faut reprendre, une bonne nouvelle auprès d’un client.

Pour vous qui vendez entre 80 et 90 % à l’export, tout va dépendre de la reprise mondiale ?

On en est complètement dépendant. Dès que ça repart quelque part, Redex repart d’autant. Il reste très peu de sites de production industrielle en France, nos marchés sont à l’international. En Espagne, on sent que ça reprend un peu, en Italie aussi.

En Chine, ça n’a pas encore repris comme avant. Est-ce qu’on reviendra aux mêmes niveaux d’échange ? On commence à rediscuter. On sent un frémissement des investissements.

La Chine est très exportatrice, donc dépendante de la reprise mondiale aussi. C’est le serpent qui se mord la queue ?

La Chine exporte avant tout vers les US ou vers l’Europe, elle dépend de notre reprise. L’échiquier est bien mondial. Et pour y avoir habité plusieurs années, j’observe que la Chine va très vite.

Je suis convaincue qu’elle va laisser tomber la production de masse pour beaucoup plus de productions technologiques et elle en est tout à fait capable. Donc nous, Européens et Américains, allons nous retrouver en concurrence de manière beaucoup plus conséquente avec la Chine dans le monde entier.

Les politiques nationales vont jouer dans la nature et les volumes d’échange. Il ne faut pas oublier que la Chine est une dictature. Quand le président décidera que telle ou telle industrie devra prospérer elle prospérera, quoi qu’il en coûte.

Au-delà du sanitaire et de l’économique, vous identifiez une crise sociale à venir. Quels en sont les signes avant-coureurs ?

La manière dont la crise sanitaire est gérée au plan administratif en est un, chacun renvoyant sur l’autre et en dernier ressort, le ministère du Travail disant « Privilégiez le télétravail ». Mais il a vu une chaîne en usine, avec des ouvriers sur des machines ?

Pour mes salariés, le télétravail, c’est un truc de Parisiens, de cols blancs, un privilège. Et c’est là que la crise va prendre un tournant social. On va aller vers un renforcement de ceux qui font, et non plus de ceux qui pensent.

Le sentiment des territoires d’avoir été un peu abandonnés est palpable dans nos entreprises. On le vit au quotidien. Là où nous sommes implantés à Ferrières-en-Gâtinais, nous sommes dans un désert médical et dans une zone blanche (dans mon bureau le téléphone portable ne passe pas). Il faut voir la réalité en face.

Réindustrialisation de la France, révisions des taxes, vous y croyez ?

Je veux y croire mais je ne vois pas comment la France pourra se réindustrialiser sans changer drastiquement sa structure de coûts.

J’aimerais pouvoir vendre plus en France qu’à l’étranger, cela voudrait dire qu’il y aurait plus d’utilisateurs de machines-outils sur notre territoire.

Mais je ne suis pas convaincue que ça se produise réellement, en tout cas pas en six mois. Pour des principes de réalité économique et sociale.

Quelle méthode au changement préconiseriez-vous ?

Ne pas réfléchir en filières. Ce sont les territoires qui font vivre la France. Moi Redex, je suis à côté de l’entreprise qui fait de l’embouteillage, une autre qui produit des cartons.

Si je ne suis pas très loin d’une école pour l’apprentissage, d’un médecin et d’un hôpital pour que chacun puisse se soigner, je suis plus attractive que si c’est l’inverse.

En Allemagne, l’usine est intégrée au cœur de la ville. Il n’y a pas incompatibilité entre une usine, un centre commercial et des habitations.

Si c’est réfléchi et que des urbanistes travaillent sur cette interconnexion des lieux, on est paré. C’est à ce prix que je peux être attractive pour des salariés, en couple, avec des enfants à élever. L’économie est un tout.

Vous qui faîtes beaucoup de R&D, quelles traces laissera le Covid-19 dans vos pratiques ?

Cette période aura poussé à réfléchir différemment. Nos bureaux d’études étudient de nouvelles manières d’interagir avec nos clients.

Notre métier est de leur apporter des solutions techniques très haut de gamme, ce qui veut dire les accompagner de la conception à l’utilisation de nos solutions et donc avoir des échanges très fréquents.

Les déplacements multiples, l’envoi de nos techniciens sur place au fin fond des Philippines ou du Mexique ne sont plus possibles.

Aujourd’hui, on essaie de voir avec nos équipes locales, si on ne peut travailler davantage avec des outils numériques d’aide à la décision.

Notre R&D se tourne vers plus d’intelligence artificielle.


Interview - Groupe Mul : « Rester projetés vers l’avenir »

Charte de bonne conduite en milieu agricole signée, approvisionnements sécurisés, activité industrielle maintenue, le groupe Mul reste concentré sur sa stratégie et son développement.

A la fois agriculteur et industriel, comment le Groupe Mul a-t-il pu maintenir ses activités ?

Cécile Mul, présidente du groupe Mul : Nous sommes restés en fonctionnement, car considérés comme un maillon de la chaîne alimentaire. Nous produisons des extraits végétaux (vanille, cacao), fournissons des produits d’aromatisation pour différentes industries dont l’agro-alimentaire. Nos extraits végétaux entrent aussi dans la fabrication de produits d’hygiène.

Le plus gros challenge a été de réorganiser l’activité, mais le point le plus important était de continuer l’activité, de sécuriser les approvisionnements. De tenir nos engagements vis-à-vis de nos clients et de nos fournisseurs. Et donc de conserver un maximum de nos forces humaines pour y parvenir, de les protéger durablement. J’ai gardé l’ensemble de l’effectif en activité, sans avoir recours au chômage partiel.

Le télétravail a-t-il pu être un recours ?

J’ai passé 21 % de mes salariés en télétravail, ce qui est beaucoup pour une structure comme la nôtre car cette pratique n’est pas du tout inscrite dans nos gènes. Les salariés se sont montrés très flexibles, nous avons pris la décision le jeudi, le lundi 90 % de ceux qu’on passait en télétravail étaient opérationnels.

Dans le même temps, on a identifié et isolé les personnes fragiles potentiellement exposées qui ont bien compris que nous étions dans une démarche de protection.

Le personnel de production est resté opérationnel avec une révision des horaires pour s’adapter à l’effectif présent, une réorganisation des règles de distanciation sociale.

Une de nos chances est d’être dans une industrie où les équipements de protection font déjà parti de notre quotidien vis-à-vis de la sécurité alimentaire. Beaucoup de procédures sont déjà en place.

Le point le plus impactant aura été de gérer les gardes d’enfant.

Qu’aurez-vous appris de cette crise en tant que leader ?

Intellectuellement, la crise nous a obligé à nous remettre en cause, elle a été un challenge pour le management. Nous avons été beaucoup dans le dialogue, encore plus que d’ordinaire. Nous nous sommes intéressés à notre personnel plus encore.

En tant que manager, j’ai tenu à être présente auprès de mes équipes durant toute la période. Les quinze premiers jours ont été assez lourds, avec beaucoup d’inconnues sur l’ampleur de la crise sanitaire qui nous arrivait dessus. J’ai décidé d’être dans le partage de l’information au maximum avec mes salariés. Dans notre société familiale, le climat de confiance entre salariés et employeur est très important, nous avons des rapports privilégiés ensemble, ça facilite l’adhésion aux décisions.

Pouvoir rester ouverts a été pour nous une chance économique qu’on se devait de transformer positivement. En tant que dirigeante, humainement, j’ai senti tout le poids de la responsabilité que cela représentait. Je l’ai pris comme un gros défi à relever et j’ai la fierté aujourd’hui de ne pas avoir eu de cas de Covid-19 dans mon entreprise.

Au-delà des saisonniers, pourquoi avoir maintenu les recrutements dans le commerce et le développement durant cette période ?

Parce que nous les considérions comme stratégiques avant la crise et que nous n’avons pas changé d’avis. On se devait de travailler sur la reprise économique même en pleine crise.

Les deux personnes que nous avons intégrées occupent un poste de développement auprès de la direction commerciale et un poste qui m’accompagne sur le développement des filières en amont sur la partie sourcing de nos matières premières, des postes de terrain situés côté ventes, fournisseurs, partenaires agricoles à l’étranger qui doivent être en mouvement habituellement.

La partie filière et développement durable fait partie des points différenciants du groupe Mul, c’est l’un de nos avantages sur notre marché, on ne voulait pas perdre de temps sur l’exécution de nos projets.

Maintenant nous savons comment accueillir de nouveaux entrants hors période de travail classique.

Sécuriser vos approvisionnements était aussi stratégique…

Les récoltes se sont faites sur nos parcelles, comme chez tous nos partenaires agricoles. Là-aussi, il a fallu revoir les bonnes pratiques. En agriculture, on partage habituellement les outils en France comme à l’étranger.

Nous avons une politique de recrutement local pour les récoltes. La fermeture des frontières n’a pas eu d’impact sur notre flux de saisonniers. Et en local, en pays grassois, l’agriculture n’a pas fait peur, au contraire. Les saisonniers habituels se sont présentés et nous avons même eu plus de demandes.

Les récoltes de Rose de mai ont eu lieu. Avec une organisation différente mais le flux de matière première a été sécurisé.

Pourquoi ne pas décaler, rester projeté vers l’avenir était si important pour vous ?

Parce que c’est stratégique pour la santé économique de notre entreprise. Nous avons fait le choix de tout mettre en œuvre pour ne pas nous retarder davantage. On a passé cette période, bien sûr en gérant la crise sanitaire, mais surtout en restant projetés vers l’avenir pour être non seulement prêts à la relance mais continuer notre dynamique de croissance.

En mars, l’enjeu était d’honorer le carnet de commande en cours. En avril-mai, on a été impacté par le contexte et nous étions suspendus aux décisions du gouvernement pour savoir ce qui allait pouvoir repartir ou pas. Même si nous sommes très en amont de la chaîne alimentaire et du secteur de l’hygiène, nous sentons l’impact des fermetures. Aujourd’hui, nous sentons une reprise progressive.

Il faut que la crise reste maîtrisée sur la durée. C’est une chose de tenir deux mois et demi, c’en est une autre si cette crise devait s’inscrire à plus long terme.

Quel impact a eu la crise sur votre politique de développement ?

A aujourd’hui, cette crise n’a pas impacté nos engagements, elle ne remet pas en cause notre développement. Et au contraire, je pense qu’il faut maintenir notre politique d’investissements positionnés sur le long terme. Les résultats ne seront pas visibles immédiatement mais leur fruit n’en sera pas retardé d’une année ou deux.

C’est important de savoir faire la part des choses entre les investissements que l’on doit maintenir et ceux à repousser. Je considère qu’il fait sens de garder tout ce qui est ressources humaines, innovantes et stratégiques, inscrites à notre plan de développement parce que c’est ce qui différencie notre entreprise dans notre domaine, qui la rend active, dynamique et attractive.

Maintenir votre positionnement est un argument auprès de vos fournisseurs et partenaires ?

Maintenir notre positionnement rassure nos clients et nous avons une nouvelle fois prouvé à nos fournisseurs que nous sommes non seulement présents, mais fiables et stables. Ils seront moins tentés d’ouvrir de nouvelles consultations.

Nous sommes sur des engagements longs termes avec nos fournisseurs. Beaucoup d’industries fonctionnent avec une vision court terme, nous, avec les matières végétales, on ne peut pas.

En quoi cette crise vous aura fait progresser ? Qu’en garderez-vous ?

Cette crise nous a permis de compléter nos bonnes pratiques, de renforcer l’existant. Elle nous a obligé à sécuriser encore plus certains risques. Je pense qu’on gardera un certain niveau de télétravail, on y a moins de réticence.

On aura aussi pu tester une autre forme d’interaction avec nos filières, beaucoup de nos visites terrain se sont faites par visio-conférence et nous ont prouvé qu’on pouvait en partie travailler à distance.

Ca nous donne à réfléchir sur notre stratégie de déplacement. Nous qui observons de très près notre impact environnemental, qui construisons des filières durables, la nature de nos interactions fait sens.

La crise du Covid-19 a mis un coup de projecteur sur la nature de ce que nous consommons. Cela aura-t-il un impact sur votre activité ?

Dans notre créneau des extraits naturels, la qualité de production n’est plus une tendance mais une chose bien ancrée. Nos clients n’ont pas changé leurs positions. Ils sont très attachés à nos programmes, à la qualité de nos produits. La crise a mis en lumière la force des circuits courts, a encore amélioré la connaissance du consommateur en matière d’origine et de traçabilité du produit. Elle aura permis de faire ouvrir les yeux sur certaines choses, on a senti les gens très anxieux mais très observateurs aussi. Il était important d’être présents, pendant cette période.

Les bienfaits d’une décision se récoltent aussi sur le long terme. Nos salariés ont gardé leur emploi, j’ai décidé qu’ils garderaient aussi leur prime d’intéressement. Ils ont apprécié que je leur confirme. La crise a vérifié que nous sommes une entreprise soudée, animée autour du projet commun. Elle a renforcé la confiance et l’implication des personnes. Mes salariés ont démontré leur motivation à tenir nos engagements, et ça c’est une belle reconnaissance pour nous.


Groupe Mul : « Rester projetés vers l’avenir »

« Les bienfaits d’une décision se récoltent aussi à long terme. »

Charte de bonne conduite en milieu agricole signée, approvisionnements sécurisés, activité industrielle maintenue, le groupe Mul reste concentré sur sa stratégie et son développement.

Dans son industrie, la matière première n’attend pas. Quand fleurit sur les terres grassoises la Rose de mai, la centifolia dont le groupe Mul est fournisseur exclusif pour la maison Chanel, il faut impérativement la cueillir, sous peine de perdre la récolte.

Durant cette crise de Covid-19, producteur d’extraits aromatiques à partir de matières premières végétales, le groupe Mul (90 salariés, 30 M€ de CA) a été considéré par les autorités comme un maillon essentiel de la chaîne industrielle de l’agroalimentaire et des produits d’hygiènes.
Son profil à la fois d’agriculteur et d’industriel lui a permis de poursuivre son activité.

Sécuriser les projets

« Pouvoir rester ouverts a été une chance économique qu’on se devait de transformer positivement », estime Cécile Mul, la présidente de ce groupe familial. Et c’est ce qui a été fait : le groupe Mul a assuré la récolte de ses matières premières, sécurisé les approvisionnements, provenant de ses propres terres comme des filières durables qu’il a mis en place.

Prenant la crise comme un challenge en termes de management, le groupe n’a mis aucun salarié au chômage partiel, a recruté ses saisonniers et a même intégré deux nouveaux salariés sur des postes liés au développement de l’entreprise, l’un dans l’équipe commerciale, l’autre dédié aux nouvelles filières. Objectif de la dirigeante : ne prendre aucun retard sur les projets de l’entreprise.

Maintenir son positionnement, garder le cap défini dans la stratégie de l’entreprise, continuer à la dérouler pendant la crise, et persister à se projeter vers l’avenir ont été les piliers de son action durant ces deux derniers mois et demi. Et Cécile Mul en tire déjà des conséquences positives :

« En interne, la crise a vérifié que nous sommes une entreprise soudée, animée autour d’un projet commun. Elle a renforcé la confiance et l’implication des personnes. Mes salariés ont démontré leur motivation à tenir nos engagements, et ça, c’est une belle reconnaissance. »

Une charte de bonne conduite

Au niveau des saisonniers, la politique de recrutement local ancrée dans la culture d’entreprise a permis de ne pas souffrir de la fermeture des frontières. La charte de bonne conduite, signée par les équipes, les fournisseurs et partenaires, la réorganisation de l’activité ont permis de préserver la santé des salariés et de l’entreprise.

« La sécurité et l’hygiène sont des sujets d’attention permanente dans notre métier, nous avions déjà des équipements de protection et des procédures très poussées, précise la dirigeante. Cette crise nous a permis de compléter nos bonnes pratiques, de renforcer l’existant. Elle nous a obligé à sécuriser encore plus certains risques. »

Et de poursuivre : « Post-Covid, les améliorations que nous avons pu trouver intégreront d’ailleurs notre process. Je pense qu’on gardera un certain niveau de télétravail, on y a moins de réticence. On aura aussi pu tester une autre forme d’interaction avec nos filières, beaucoup de nos visites terrain se sont faites par visio-conférence et nous ont prouvé qu’on pouvait en partie travailler à distance. Nous qui sommes attachés au durable, cela nous donne à réfléchir sur notre stratégie de déplacement. »

Positionnement stratégique maintenu

En externe aussi le maintien de l’activité, le respect des engagements vis-à-vis des clients et fournisseurs ont eu un impact positif.

« Tenir notre positionnement stratégique rassure nos clients, affirme Cécile Mul. Et nous avons, une nouvelle fois, prouvé à nos fournisseurs que nous sommes non seulement présents à chaque instant, mais fiables et stables. Nous sommes dans une industrie de long terme. Maintenir les investissements stratégiques aujourd’hui impactera notre développement de demain. Nous n’avons aucune intention de prendre du retard. »

Et la dirigeante, représentant la 5e génération, de conclure : « Les bienfaits d’une décision se récoltent aussi à long terme. Dans notre créneau des extraits naturels, la qualité de production n’est plus une tendance mais une chose bien ancrée. La crise a mis en lumière la force des circuits courts, a encore amélioré l’attention du consommateur en matière d’origine et de traçabilité du produit. »