Appartenir à un réseau permet-il de mieux faire face ? Laurence Pottier-Caudron, la fondatrice des agences d’intérim Temporis, franchisées par Valoris Développement, veut le croire.

Comment Temporis, le 1er réseau d’agence d’emplois que Valoris Développement, votre groupe, franchise (171 agences partout en France), a-t-il passé la crise du Covid-19 ?

Laurence Pottier Caudron, fondatrice de Temporis : Les crises font partie de la vie d’une entreprise et je pense qu’elles exacerbent ce qu’on est.

Valoris Développement avait déjà vécu celle de 2008-2009 sans fermeture. Le réseau avait même plutôt mieux résisté que certains grands groupes et était reparti plus vite.

Cette fois encore, la crise témoigne de ce que l’on est : un réseau solidaire et soudé. Qui fait preuve de réactivité, s’appuie sur la pédagogie et l’accompagnement de chacun.

Ca s’en trouve encore renforcé sur la période.

Quelles ont été vos toutes premières décisions ?

Nous avons fait partie des activités qui pouvaient rester ouvertes.

Dès le discours du Premier Ministre en mars, mon premier message aux dirigeants du réseau a été de leur rappeler qu’étant indépendants, ils pouvaient faire ce qu’ils voulaient.

J’ai cependant préconisé que les agences soient fermées au public mais ouvertes à distance.

Nous avons très vite trouvé de nouveaux outils pour communiquer avec le réseau, j’ai mis en place des webinars dès le lundi. Les huit juristes de la franchise sont tout de suite entrés dans l’action.

On a d’abord géré l’humain, les 500 permanents, plus les 8000 intérimaires. Nous sommes passés très rapidement en télétravail. Nos informaticiens avaient anticipé.

Ils avaient commandé cinquante ordinateurs. On a pu être opérationnel rapidement.

Puis après, on a mobilisé nos contrôleurs de gestion. Toujours via des webinars. On a invité nos franchisés à refaire leurs budgets 2020 en se mettant dans la perspective de 2021.

On a cartographié nos agences, les plus récentes, les plus fragiles, les moyennes, les plus solides. On a donné les plus fragiles aux contrôleurs de gestion les plus aguerris. On leur a décrypté toutes les mesures sur un plan juridique et financier.

On a sollicité nos experts bancaires pour qu’ils conseillent les franchisés sur les démarches à faire concernant le PGE, les prélèvements, etc. On a fait un gros travail de pédagogie et d’accompagnement.

Cette pédagogie et cet accompagnement montrent tout l’intérêt d’être dans un réseau ?

Totalement. Et nos franchisés nous ont fait de super retours. Je considère que le rôle du leader et de la tête de réseau est de savoir s’effacer lorsque tout va bien et de montrer le cap dans la tempête, d’être suffisamment clair dans ses indications pour que chacun puisse tenir fermement la barre et tracer sa route.

Mettre en place un accompagnement efficace, mobiliser le collectif, c’est à cela qu’on sert. Pour un franchiseur, il ne faut pas oublier que la réussite va de pair avec celle de ses franchisés.

Ce ton s’est aussi traduit d’un point de vue financier ?

Ma ligne a été solidarité et action. Dès l’annonce du confinement, j’ai réuni le comité stratégique de l’entreprise et j’ai annoncé que je supprimais nos minima contractuels pour 2020.

Le but étant de ne pas rajouter de crise à la crise et d’être tous là l’année prochaine.

Et une fois l’urgence traitée, on a travaillé à remettre les gens en mouvement. On a créé une commission pour penser la reconquête, une commission digitale.

On a décidé que notre forum des formations se ferait sous forme digitale. J’ai décidé que tout ce qu’on faisait habituellement, on allait continuer à le faire autrement.

On ne prend pas de retard, on s’adapte à la situation. On n’a jamais eu autant de présence sur les formations !

Au-delà de la formation elle-même, les personnes avaient besoin de s’informer et d’échanger. On a fait des webinars de relance pour être prêts à redémarrer en toute sécurité.

Comment cette dynamique s’est-elle traduite chez les franchisés ?

Chez Temporis, les franchisés peuvent suivre la tendance du réseau. Depuis le déconfinement, on voit que le chiffre d’affaires est reparti, qu’il augmente de semaine en semaine.

Le moral remonte. Pouvoir agir rejaillit positivement sur le réseau. Les animateurs du réseau sont mobilisés, avec des missions réadaptées au contexte.

Nous avons aussi beaucoup communiqué. Il était important que le réseau reste très présent. On a créé des affiches pour que nos vitrines soient porteuses de vie et de messages d’avenir.

Les gens ont eu besoin de se sentir entourés.

La crise du Covid-19 aura-t-elle finalement été une occasion de se repenser ?

Pour beaucoup, elle a ouvert une période de réflexion sur ce qu’ils voulaient faire de leur vie.

Depuis le déconfinement, nous avons reçu des candidats, en quête de sens, qui postulent pour rejoindre la franchise. Le changement se sent aussi dans l’acceptation des messages portés par le franchiseur.

Nous avons vu passer comme une lettre à la poste des messages qui rencontraient préalablement des résistances, comme la vertu de diversifier ses clients par exemple. La période a eu un effet loupe.

Vous pensez que les changements seront durables ?

Ecologie versus économie ? C’est peut-être dur à dire, mais je pense qu’on n’a pas assez souffert pour que cette crise provoque des changements profonds.

Le besoin de réindustrialiser la France a été mis en avant face aux difficultés d’approvisionnement en masque. L’effet de l’activité économique sur la pollution a pu être visualisé concrètement.

Mais que va-t-on en faire ? Il y aura peut-être des relocalisations stratégiques, plus certainement une volonté de développer le circuit court.

Mais je crois surtout qu’il y aura de façon certaine une prime à ceux qui auront gardé le lien.

Comment pensez-vous que la franchise en bénéficie ?

Les Français vont davantage capitaliser sur le collectif. Les vertus du réseau se seront ressenties et les entrepreneurs seront moins tentés d’être des indépendants isolés.

On va avoir envie de travailler et de faire travailler des personnes qu’on aime. Restera aussi la reconnaissance, la revalorisation de certains postes, notamment ceux qui rendent service à la population. La franchise devra le prendre en compte dans ses profils mis en avant.

Et je pense qu’on va à coup sûr faire beaucoup moins de réunions en présentiel. Les gros rassemblements où tout le monde fait le déplacement pour quatre heures de réunion n’auront plus de sens. L’efficacité de la réunion digitale s’est démontrée d’elle-même.

Les bénéfices et les inconvénients du télétravail aussi. Des tabous ont été cassés. C’est aussi ça, le propre d’une crise : rendre l’impossible possible.