« Outil de financement indépendant pour l’entreprise, l’emprunt obligataire est aussi une manière de saluer l’engagement d’un salarié tout en l’impliquant davantage. »
Comment inciter les Français à mobiliser leur épargne dans le développement des entreprises indépendantes ? ACRI-ST emprunte la voie obligataire depuis 2009. Avec un succès grandissant.
Alors que les trésoreries des sociétés se tendent, les Français ont épargné en masse ces derniers mois. Comment faire en sorte que cet argent vienne davantage nourrir un cercle vertueux de l’économie ?
Comment le rendre profitable au développement des PME et ETI, championnes de demain qui ont d’autant plus besoin que l’on soutienne leur effort de croissance que la période complexifie les bilans et atterrissages ?
Focus sur les emprunts obligataires, une solution vertueuse, éprouvée depuis plus de dix ans par l’entreprise ACRI-ST, spécialiste de l’observation de la terre par satellite et du traitement des données dédiée à l’environnement.
Avec un solde obligataire dépassant désormais le million d’euros, la PME a trouvé une manière d’augmenter sa capacité d’investissement en toute indépendance.
Pourquoi avoir recours à l’emprunt obligataire lorsque l’on est une PME de croissance ?
Odile Hembise Fanton d’Andon, présidente d’ACRI-ST : Pour financer son développement. L’emprunt obligataire permet d’accroitre sa capacité d’investissement de manière significative et indépendante. Mais en réalité, c’est plus puissant que cela.
Chez ACRI-ST, cette démarche s’inscrit dans notre logique d’intéressement des salariés et de notre plan d’épargne entreprise. L’intéressement a été mis en place dès la création de l’entreprise en 1999.
L’emprunt obligataire lui est arrivé en 2009. J’avais entendu parler de cette possibilité et nous avons demandé à nos conseillers de se pencher dessus car nous y voyions une bonne manière d’augmenter les liquidités de l’entreprise tout en fidélisant nos salariés grâce à une gratification de leur engagement et de leur confiance.
A l’usage, je confirme que c’est un bras armé très puissant, un levier financier pour notre développement doublé d’un indicateur très pertinent en matière de RH.
Chez ACRI-ST, nous sommes une PME indépendante, partenaire des agences spatiales, au service des utilisateurs de données satellitaires, alliant recherche scientifique et ingénierie de systèmes environnementaux complexes. Notre politique de recrutement est extrêmement pointue et pouvoir fidéliser nos salariés est un atout.
Comment l’emprunt obligataire fonctionne-t-il en entreprise ?
Chaque année, en tant que présidente et actionnaire unique de l’entreprise, je décide en assemblée générale du nombre et du montant des obligations que je souhaite émettre. Il n’y a pas d’automaticité. C’est également le salarié qui décide s’il veut souscrire et combien.
La souscription à l’emprunt obligataire est éligible au PEE de la société. L’emprunt est rachetable à la première demande du souscripteur.
Les cessions peuvent être envisagées dans un délai inférieur à 5 ans, sous réserve d’être motivées (i.e. par un mariage, la naissance du 3e enfant, l’invalidité, le décès, la création d’une entreprise, l’extension de la résidence principale, une situation de surendettement, etc.).
C’est assez large. Dans ces conditions ou au bout de 5 ans, le souscripteur bénéficie de tous les avantages fiscaux liés à l’intéressement.
Avez-vous obligation d’utiliser l’argent obtenu d’une manière précise ?
L’emprunt obligataire est relativement simple à mettre en œuvre. Vous n’avez aucune obligation d’en faire quelque chose de particulier. Ce n’est pas comme un prêt bancaire où il faut un objet précis.
Vous pouvez utiliser cet argent là où il vous paraît le plus utile. Il faut juste ne pas perdre de vue que l’entreprise contracte un emprunt auprès de son salarié et qu’il faudra lui rembourser.
Bien expliquer à ses équipes la destination des fonds envisagée et celle qui a été réalisée améliore leur adhésion.
Pour le dirigeant, l’emprunt obligataire est beaucoup plus simple que d’émettre des actions. Le taux et la valeur sont fixés dès le départ et pour toute la durée. Vous n’avez pas à vous poser la question de la valorisation de l’obligation en cas de sortie anticipée du souscripteur.
Avant de penser aux obligations, j’avais été tentée par la mise en place d’actions et lorsque j’ai étudié cette voie, j’ai eu le sentiment que c’était plus compliqué, plus lourd à gérer. Notamment quand le salarié détenteur d’actions veut s’en aller. Avec les actions, il faut établir une valeur chaque année. Figer la rémunération de l’obligation demande moins d’effort. C’est un coût que l’on maîtrise. Totalement anticipé. Pas lié au compte de résultat.
Comment vos salariés ont-ils adhéré à cette proposition ?
Les premières obligations sont arrivées en fin de cycle en 2017 et nombre de salariés les ont réinvesties au travers de nouvelles souscriptions. Cela montre combien ils y adhèrent. Les souscriptions sont allées croissantes année après année. Aujourd’hui, le solde obligataire représente plus de la moitié de l’intéressement versé.
L’emprunt obligataire au sein de l’entreprise plaît aux salariés parce que c’est de l’argent qui sert au collectif. C’est très concret. Chaque année, je leur explique en quoi cela nous a été utile. Et je les remercie de leur confiance.
Quels avantages en tire l’entreprise ?
Ces obligations nous permettent de bénéficier de liquidités et de pouvoir investir au meilleur moment, sans dépendre de la décision d’une banque.
J’ai par exemple pu avancer de l’argent à notre filiale au Luxembourg afin qu’elle puisse acquérir de l’équipement au top au moment où elle a décroché de gros marchés. Les banques étant frileuses pour prêter aux nouvelles sociétés, je ne suis pas certaine que cette jeune filiale ait obtenu un prêt pour ce matériel aussi sereinement en un temps aussi court.
Ça me permet aussi -et c’est tout aussi important à mes yeux- de récompenser la valeur que le salarié apporte à l’entreprise. Dans une entreprise comme la nôtre, les ressources humaines sont une vraie richesse.
L’abondement que je propose étant très gratifiant, ces obligations ont aussi la vertu de fidéliser les salariés. J’ai d’ailleurs fixé la durée de sortie en raison de cet argument. Les huit ans correspondent au cycle de vie de nos projets.
Les salariés en tirent-ils aussi avantages ?
Les salariés nous témoignent leur confiance en les souscrivant. Ils ne nous confieraient pas leur épargne si ce n’était pas le cas.
Pour eux, ce n’est pas un placement à risque : ils connaissent le montant et l’échéance de sortie.
Ils savent qu’à la première demande, ils peuvent récupérer la somme souscrite. C’est d’autant plus fort aujourd’hui que le cycle de vie des premières émissions est arrivé à son terme et que les fruits récoltés par les salariés souscripteurs ont bien été ceux annoncés. Le temps joue pour nous désormais.
Concrètement, comment l’emprunt obligataire s’applique-t-il chez ACRI-ST ?
La souscription est ouverte au moment où l’on verse l’intéressement, ce qui permet d’apporter une solution de placement intéressante aux salariés à une période où ils ont des liquidités.
Nous ouvrons de nouvelles émissions chaque année. A 2,5 % de taux annuel. Avec une bonification de 2 à 4,5 % si on est resté jusqu’à la fin.
Nous y ajoutons même une surprime de 50 % du placement initial, plafonné à 3.000 euros si les obligations sont conservées jusqu’à la fin en intégralité. Ce qui en fait un produit financier particulièrement attractif.
Personne n’est obligé de souscrire, chaque membre du personnel est totalement libre de prendre des obligations ou non.
Le taux et la durée des obligations sont à votre main. J’ai par exemple fixé la durée à huit ans parce que cela permet d’embrasser un cycle de vie de l’entreprise. C’est un facteur d’attraction qui joue un rôle pour garder les cadres dans l’entreprise.
De quels arguments usez-vous pour convaincre vos salariés à placer leur intéressement en emprunt obligataire ?
On porte à leur attention un produit intéressant. On attire leur attention, on leur donne les caractéristiques, sans en faire énormément sur le sujet. On ne fait pas de relance. Les aspects intéressants parlent d’eux-mêmes.
Pour nos salariés, il y a une fierté à ce que notre entreprise se développe et ils s’en sentent pleinement acteurs. C’est un élément non négligeable.
C’est une façon d’associer le personnel au projet de l‘entreprise ?
Cela associe tout le monde à la réussite de l’entreprise. Chacun est partie prenante.
L’emprunt obligataire fait partie d’un tout. Notre plan d’épargne entreprise et notre intéressement sont déjà gratifiants. Il permet une croissance sereine, sans à-coup. C’est un outil qui s’inscrit dans la durée. Ce n’est pas une solution d’urgence. Cela prend progressivement. Cela se construit avec le temps.
Mais une fois que ça tourne, c’est un puissant bras armé. Les retraits sont un indicateur RH très fort. Leur absence témoigne de la bonne santé de l’entreprise.